Analyse de Paroles par Jacques Prévert

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La Grande Famille, René Magritte, 1947, huile sur toile, 40x50,5 cm

René Magritte est un peintre surréaliste belge du XXe siècle. On remarque trois éléments distincts dans ce tableau : une mer, un ciel et un autre ciel de la forme d’un oiseau qui prend son envol. Le ciel dans l’oiseau est clair et paisible, on peut voir des nuages. Le ciel à l’arrière-plan , lui, est gris, tumultueux et voilé. La mer est sombre et agitée. J’ai ajouté des écritures manuscrites sur les nuages. J’ai choisi ce tableau car il me semblait illustrer plusieurs aspects de Paroles. René Magritte appartenait au mouvement surréaliste, tout comme Jacques Prévert, ce tableau illustre donc le genre des poèmes. On retrouve la figure de l’oiseau dans de nombreux poèmes du recueil et l’oiseau est l’élémentcentral de ce tableau. Le fait qu’il soit en train de prendre son envol rappelle l’importance que Prévert accorde à la liberté. Le ciel àl’intérieur de l’oiseau pourrait représenter le monde dont Prévert rêve, un monde plein de bonheur et de libertés, d’espoir. J’ai rajouté des écritures sur les nuages afin qu’ils représentent les poèmes de Prévert, puisque les nuages peuvent être vus comme un symbole de rêve, ainsi que de légèreté et de fantaisie. De plus, la forme sans ponctuation des poèmes donne une forme de nuage au plus courts. Le fond sombre, composé de la mer et du ciel agité, peuvent illustrer les travers de la société que Prévert cherche à dénoncer. Le fait qu’ils semblent être percés par l’oiseau, montre que ces travers sont dénoncés par les poèmes de Prévert pour laisser place à sa vision de ce que le monde devrait être.

Titre :

Les poèmes de ce recueil ont pour vocation d’être dits à l’oral. Prévertpasse de la grammaire du langage écrit à celle du langage oral dans ses poèmes, en n’inversant pas le sujet et le verbe lorsqu’il pose des questions par exemple.

On retrouve des marques d’oralité telles que des interjections, « hein, quoi » dans « Les oiseaux du soucis » et dans « L’accent grave », des points de suspension indiquant une pause ou une hésitation comme si l’auteur parlait à voix haute et qu’il s’interrompait l’espace de quelques secondes pour réfléchir. Le langage utilisé par l’auteur est familier et le vocabulaire simple comme on peut le voir par l’expression « c’est plutôt con » dans « Le temps perdu » ou le titre « Le garde chiourme ».

Prévert cherche à écrire une poésie accessible à tous, proche des gens et de leur langage. La parole est la façon de dialoguer et de s’exprimer au quotidien par tous. Il y a très peu de ponctuation dans la poésie de Prévert dans ce recueil, ce qui laisse une grande liberté d’interprétationà l’oral pour le lecteur. Le poète transmet des témoignages dans ses poèmes, comme dans le poème « La pêche à la baleine » ou « Je suis comme je suis ». Le poète rapporte donc les paroles d’autrui dans certains de ses poèmes. Prévert fait beaucoup de jeux de mots comme « démons et merveilles » qui fait référence à la célèbre expression « des monts et merveilles » ou « L’amiral larima/larima quoi ». Il joue sur les homophones, les sonorités et les double-sens. De nombreux poèmes de ce recueil sont sous forme de chanson. On le remarque dans le titre de certains d’entre eux comme « La chanson de l’Oiseleur » mais dans d’autres cas on le remarque à la présence de refrains comme dans le poème « Barbara ».

Les poèmes de Prévert sont donc résolument faits pour être dits à l’oral, d’où le titre Paroles .

 

En quoi ce recueil se situe-t-il entre lyrisme et dénonciation ?

Paroles est un recueil de 95 poèmes écrits par Jacques Prévert et publiésen 1946. 

Ces poèmes furent écrits dans le contexte de l’après-guerre, certains après la première guerre mondiale, d’autres après la deuxième. On retrouve une forte dimension engagée dans Paroles. Prévert dénonce la violence, la guerre, la politique bourgeoise, la religion. Au contraire il se place en défenseur des plus démunis, de la classe ouvrière. On retrouve les thèmes de la vie quotidienne, le temps, la ville ou encore l’art et la création dans les poèmes de Paroles.

Enfin, on retrouve les thèmes lyriques traditionnels de l’amour, de l’espoir, de la nostalgie, de l’enfance et de l’oiseau ainsi que de la liberté. On peut donc se demander en quoi ce recueil de poésie se situe entre lyrisme et dénonciation.

De nombreux poèmes de Paroles ont une visée dénonciatrice. Le premier poème du recueil « Tentative de description d'un diner de tête » illustre les abus que Prévert souhaite dénoncer. Il s’agit d’un texte contestataire, satyrique mais aussi humoristique par le biais d’une parodie de description d’un diner officiel à l’Élysée sous le signe de l’absurde. Prévert dresse la liste des invités par énumération sous ladésignation de « ceux qui ». Sont visés les invités au patriotisme exagéré comme le montrent les expressions «ceux qui tricolorent » au vers 3. Prévert crée le verbe « tricolorent » pour mettre en lumière le patriotisme exacerbé. Prévert vise la guerre et les marchands d’armes.  « Ceux qui debout les morts » fait référence à la première guerre mondiale. On ordonne aux mourants de retourner combattre ce qui, en plus de dénoncer la guerre, met de nouveau en lumière un patriotisme exacerbé. Il pointe du doigt les marchands d’armes par les vers 23 et 24 « ceux qui donnent des canons aux enfants/ceux qui donnent des enfants aux canons ». Ce chiasme met en valeur le fait que les enfants ne devraient pas être associés aux canons, il dénonce les soldats trop jeunes ou le massacre d’enfants. Prévert montre aussi les abus de l’Eglise. Les mots « pieusement » au vers 1 et « copieusement » au vers 2 montrent que les hommes d’Eglise s’enrichissent alors qu’ils ne devraient pas, par l’antithèse et l’homophonie, soulignant ainsi l’hypocrisie religieuse. Prévert se sert également de l’image du corbeau pour désigner les prêtres et s’en moquer. Le jeu de mots «croient/croient croire/croacroa » qui s’étend du vers 5 à 7, et les « plumes » au vers 8 sont une référenceà cette appellation des prêtres. Il dénonce ici une Eglise dévalorisée et corrompue. Enfin, il dénonce les bourgeois, les prétentieux, les hypocrites et les profiteurs. Prévert se sert de dictons et de clichés pour dénoncer : «ceux qui mettent un loup sur leur visage quand ils mangent du mouton » est une métaphore dénonçant les hypocrites qui exploitent les plus faibles. Le fait que les invités soient ceux qui « inaugurent » ce dîner montre que le poète voit une forme d’inutilité dans le président.

L‘histoire de la petite fille, Barbara, qui meurt et apparaît ensuite victime du « diplomate ami de la famille et dont dépend la situation du père », dénonce la corruption profonde de la société. Le poète ne dénonce pas seulement la vie politique au travers de ces invites àl’Élysée, il montre son soutien à la classe populaire. Prévert crée un effet de miroir à la fin de ce poème entre les classes les plus aisées et les classes les plus démunies. Il se sert de la même structure en anaphore qu’il avait utilisée pour se moquer des invités, afin de prendre la défensede la classe populaire et ouvrière. L’injustice sociale est soulignée par le contraste de « ceux qui soufflent vides les bouteilles que d’autres boiront pleines ». Il dénonce l’hypocrisie de la plupart de ses confrères « qui écriront en plein air que tout va pour le mieux » grâce à ceux « qui fabriquent dans les caves les stylos » qu’ils utilisent. «Ceux qui voudraient manger pour vivre » est une référence à un dicton, utilisé notamment par Molière dans l’Avare : « Il faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger ». Cela souligne la précarité dans laquelle se trouvent certaines personnes par opposition à l’opulence dont bénéficient d’autres. Dans ce poème, placé en début de recueil, les institutions que Prévert cherche à dénoncer sont déjà présentes : L’Eglise, les bourgeois, les militaires, les marchands d’armes, les prétentieux, les patriotes. Il se place résolument du côté des plus faibles. Prévert prend aussi des libertés dans la forme du poème qui alterne entre prose et rimes. Il utilise des dictons, joue sur les mots et les sonorités, crée de nouveaux mots. Ce poème n’annonce pas seulement la viséedénonciatrice du recueil, il annonce également la forme des poèmes et les procédés que Prévert emploie.

Prévert donne l’image d’un clergé qui méprise totalement la basse société, et agit seulement dans son propre intérêt. On le remarque notamment dans «La crosse en l’air » qui met en scène un évêque soûlau Vatican. Le Pape se dit « infaillible en religion » ce qui montre une certaine prétention que Prévert cherche à dénoncer. Son nom est associéà des termes péjoratifs « combinard », « cumulard », « l’affreux vieillard », accentués par leurs terminaisons en -ard-. Il est décrit « plein de cruauté », de « roublardise » et de « papelardise ». Il vivrait dans un « luxe démesuré », avec des « cure-dents en argent » et des « chiottes en platine ». Prévert tourne également en dérision la religion dans « Ecritures saintes », lorsqu’il compare Dieu à un « grand et gros lapin » puis à une « dinde » et le diable à un « grand lièvre avec un fusil gris ». Dans Pater Noster, Prévert écrit une anti-prière puisque ce poème est écrit sous la forme d’une prière mais il refuse Dieu, le destinataire, dès les 2 premiers vers : « Notre père qui êtes aux cieux/Restez-y ». Il dénonce de nouveau une Eglise qui agit par intérêt propre au vers 28 : « Les maitres avec leurs prêtres, leurs traîtres et leurs reitres ». L’absence de ponctuation peut laisser entendre que Prévert associe ces prêtres aux « traîtres  » et aux « reitres » et les loge à la même enseigne, ou que « traîtres  » et « reitres » qualifient la nature des prêtres. Avec cette dérision et cet humour, Prévert rabaisse la religion.

Prévert montre également son soutien à ceux que la société rejette. Dans « Le temps perdu » il met en lumière l’injustice de tout le temps passédans les usines, les « travailleurs » ne pouvant pas profiter du beau temps. Cela fait écho au vers 333 de « Tentative de description d’un dîner de tête à Paris-France » : « ceux qui fabriquent dans les caves ». Ils travaillent dans un endroit souterrain et n’ont donc pas accès au beau temps, donc ne voient jamais la lumière du jour. Il dénonce le colonialisme dans « L’effort humain » quand il écrit « La terrifiante chaîne ou tout s’enchaîne /La misère le profit le travail la tuerie » pour décrire les conditions de travail. Prévert met en scène la pauvreté dans son poème « la grasse matinée ». Il montre la souffrance d’un homme affamé qui est hanté par des bruits et des images liés à la nourriture. L’homme n’a pas mangé depuis 3 jours, ce qui est insoutenable comme le montre l’expression «ça ne peut pas durer ». Prévert montre l’injustice car la nourriture se trouve devant lui, « derrière ces vitres » mais est « protégée ». L’auteur dénonce le déséquilibre de la situation par le vers 39 « que de barricades pour six malheureuses sardines ». Prévert critique les mœurs de la société au travers de l’histoire de Barbara dans « Tentative de description d’un dîner de tête à Paris-France » ou l’histoire de cette jeune fille sacrifiée pour l’honneur de sa famille dans « La lessive ». En effet il s’attaque à ces normes hypocrites car pour préserver sa façade d’honorabilité la famille n’hésite pas à tuer leur fille tombée enceinte hors mariage. La famille la « piétine -piétine -piétine » car « c’est la vendange de la famille/la vendange de l’honneur ». Les vendanges sont le fait de récolter le raisin donc ici, en tuant la fille la famille récolte de l’honneur. Le meurtre semble être justifié par les normes sociétales. L’idée de « laver son linge sale en famille » est reprise par la mère « Que tout ceci reste entre nous/Que tout ceci ne sorte pas d’ici ». On ne sait pas si elle fait référence au meurtre de sa fille, à la grossesse de cette dernière ou les deux. Prévertse place en défenseur des démunis.

Le recueil fait allusion à des personnages historiques comme Louis XVI dans « Tentative de description de dîner de tête à Paris-France », Mussolini dans « La crosse en l’air » ou encore Napoléon dans « Dans ma maison » , mais il prend vite une portée plus générale pour dénoncer les horreurs de la guerre. Prévert va aussi s’attaquer à la Patrie ainsi qu’à l’absurdité des guerres. Dans le poème « Histoire du cheval » , il montre à quel point le sentiment humain est perdu en tant de guerre : « Tous ceux qui étaient vivants/Et qui me caressaient/Attendaient que je sois mort/Pour me bouffer » montre la nécessite de la survie à tout prix. Dans « L’épopée  » il parle de la guerre de façon très fataliste. La guerre est appelée « l’histoire  », ce qui montre qu’elle n’est qu’un éternel recommencement dans notre histoire. Prévert met en scène un mutiléqui a « perdu ses deux jambes dans l’histoire ». Il crée de l’humour grâce à la personnification des jambes amputées. Il montre que la violence est toujours présente et que la guerre ne cesse jamais quand il écrit : « Et quand elles se rencontrent/Elles se donnent des coups de pied/A la guerre comme à la guerre ». Même amputées elles continuent de se battre, ce qui fait écho à l’appel au combat « debout les morts » que Prévert cite dans son premier poème du recueil. Dans « Barbara » le poète qualifie la guerre de « connerie ». Dans X familiale le poètedénonce le fait qu’aller à la guerre soit devenu « naturel » et qu’elle soit devenue une part intégrante du cycle de la vie sans que qui que ce soit ne se pose de questions, que « la vie continue ». Les questionsrhétoriques que se pose le poète traduisent son indignation face à cette situation.

Certains poèmes de Prévert, comme les poèmes « quartier libre » ou « Barbara », allient dénonciation et lyrisme, un thème récurrent dans ce recueil. Il prend place à Brest, une ville qui fut entièrement détruitependant la seconde guerre mondiale. Le poème est divisé en deux parties : la première sur un couple amoureux et la seconde sur le bombardement de la ville. Prévert met en scène un couple amoureux et heureux. Le mot « heureux » est répété à plusieurs reprises notamment aux vers 31, 32 et 33. Le poète évoque un souvenir et s’adresse directement à Barbara comme le montre la phrase « rappelle-toi » qui est répétée. Barbara est décrite de façon méliorative avec des adjectifs tels que « souriante », « ravie », « épanouie ». Le poète se place en témoin de la scène entre ces deux amoureux enlacés sous la pluie, montre qu’il aime le concept même de l’amour par les vers « Je dis tu àtous ceux que j’aime » et « Je dis tu à tous ceux qui s’aiment ». Cela s’oppose à son exécration de la guerre illustrée par le vers « quelle connerie la guerre ». La pluie qui était un motif amoureux se transforme en « pluie de deuil », de « fer », de « sang ». La violence de la guerre est soulignée par les allitérations en « k », « r », « gr ». Le vers 37 semble être la transcription d’un cri de douleur et indiquer le désarroi face à la guerre. La guerre est destructrice, il ne « reste rien » de Brest à la fin du poème. Elle sépare les amoureux et est une entrave au bonheur, ce qui met en valeur son atrocité. On peut dire que ce poème est engagé car il dénonce la guerre mais il est également lyrique car il évoque la nostalgie, l’amour.

On retrouve de nombreux thèmes relevant du lyrisme dans Paroles. On retrouve les thèmes de l’amour, de la liberté, de la nostalgie, de l’espoir, de l’enfance, la nature avec une forte présence de la symbolique de l’oiseau.

Prévert donne une vision de l’amour comme une nécessité dans certains de ses poèmes. Dans « Cet amour » il s’adresse directement à l’amour qu’il tutoie. Il le supplie de le « sauver » lui et son amoureuse et de ne pas « s’en aller ». Il décrit également un sentiment complexe par les antithèses utilisées pour qualifier l’amour. Cela se remarque notamment au début du poème lorsqu’il le qualifie de « violent », puis de « fragile » et de « joyeux » puis « dérisoire ». La supplique est accentuée par l’emploi de l’impératif, ce qui donne à voir l’état de détresse du poète et la nature salvatrice que l’amour a pour lui, notamment par l’avant-dernier vers « Tends nous la main ». Dans « pour toi mon amour », il montre que l’amour ne peut être forcé. Il achète « des oiseaux », « des fleurs », des chaînes pour tenter de gagner son amour mais cela est en vain. Il a cherché à la rendre « esclave », à la priver de liberté par amour. Prévert montre donc que l’amour ne peut pas être égoïste ou forcé. Prévert donne aussi à voir un amour sensuel dans des poèmes tels que « Paris at night » ou « Alicante » . Il se concentre sur les attributs physiques tels que le regard, la bouche dans « Paris at night » pour en faire l’éloge. Dans « Alicante » il insinue l’acte sexuel qui a eu lieu par les vers 2 et 3 ; « Ta robe sur le tapis/Et toi dans mon lit ». Mais il met en lumière l’affection liée à l’amour par le dernier vers « Chaleur de ma vie », qui montre que ce qui rend le poète heureux c’est l’être aimé, ce qu’on retrouve dans tous ses poèmes sur le thème de l’amour.

Prévert est très attache à écrire la liberté. C’est un thème très présentque l’on retrouve notamment au travers du symbole de l’oiseau très exploite par Prévert. Dans « quartier libre » il met en valeur la liberté en l’opposant à l’armée. Prévert montre un acte de rébellion. Le soldat échange son képi avec un oiseau dans une cage. Le képi est symbole du service militaire et l’oiseau de la liberté. Le jeune soldat retrouve ainsi sa liberté en enfermant le képi, donc quittant l’armée puisqu’il est « sorti avec l’oiseau sur la tête ». Cette nouvelle liberté lui apporte aussi le courage de se rebeller contre son oppresseur en répondant négativement à un ordre sous la forme d’une question rhétorique. Dans « Je suis comme je suis », Prévert met en avant la liberté de vivre pleinement qui l’on est. Prévert écrit ce poème comme une chanson provocante d’une femme revendiquant sa liberté par rapport aux normes sociales. Il prône l’acceptation de soi. Elle porte des talons jugés « trop hauts », sa taille est jugée « trop cambrée » mais cela lui est égal car « elle est comme elle est ». Elle interroge toutes les personnes qui la critiquent par l’interjection « qu’est-ce que ça peut vous faire », pour montrer qu’elle ne prend pas en compte leur opinion. Prévert montre par ce poème que pour lui la liberté, le bonheur et l’acceptation de soi sont très importants. Dans « Le cancre » Prévert propose une vision similaire de la liberté. Le cancre prend sa liberté et s’affranchit des règles de l’école. Il pense avec le cœur et non la tête, contrairement à ce qui est attendu à l’école. Il «efface tout » pour dessiner « le visage du bonheur ». Prévert montre une fois de plus l’importance du bonheur et de se libérer de ce qui nous empêche d’être heureux. Cette prise de liberté commence par un « fou rire », ce qui exprime une très grande joie chez les enfants. Dans « L’accent grave » il prend une liberté artistique en écrivant ce poème sous la forme d’un dialogue de théâtre. Prévert revendique donc la liberté dans ses poèmes.

Prévert nous communique un sentiment de nostalgie dans ses poèmes. Dans « Barbara » il est nostalgique de la ville avant sa destruction et du bonheur qui y régnait, comme celui du jeune couple qu’il met en scène. Dans « La rue Buci de maintenant » la vision de la rue après la guerre entraine le souvenir chez Prévert. Le titre contient le mot « maintenant » ce qui implique une rue « d’avant » et donc un changement. Il demande « qui a baissé cet épouvantable rideau de poussière et de fer ». Le mot « épouvantable » montre à quel point il déteste ce changement et ce qui est arrivé à la rue. Par opposition il décrit la rue « d’avant » comme autrefois si heureuse. La rue est tellement changée qu’elle semble impossible à reconnaitre, qu’elle a perdu son identité. Il demande « où sont passés » ce qui faisait l’identité de cette rue. Les répétitions de ces questions sur la disparition d’éléments dont Prévert se souvient et qui faisaient qu’il l’aimait tant. Cela montre également son désarroi. Les comparaisons entre la rue avant et après l’occupation allemande tout au long du poème montrent la nostalgie du poète. Ce recueil se clôt sur un poème lyrique par son message d’espoir : « Lanterne magique de Picasso ». Il décrit le monde dans ses aspects les plus positifs et les plus négatifs mais conclut que « le monde est beau comme tout ». Malgré tous les travers qu’il met en lumière dans son recueil et ce poème, le monde reste beau.

Paroles se trouve donc effectivement entre dénonciation et lyrisme. De nombreux poèmes ont une vision dénonciatrice mais d’autres servent au poète comme moyen d’expression sur des sujets qu’il juge important. La forme musicale de ses poèmes, par les jeux de mots, homophonies et refrains, ainsi que la description d’un idéal place également dans le lyrisme.

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